Stratégie de l’État en mer : où est l’ambition environnementale ?
Les associations de protection de la nature* émettent un avis négatif sur le Document Stratégique de Façade, qui sera proposé au vote du Conseil Maritime de la Façade bretonne et ligérienne le 5 juin 2019 à Brest. Les objectifs économiques prennent le pas sur les enjeux écologiques : c’est aujourd’hui inacceptable. Il faut une stratégie économique, sociale ET écologique pour que la mer se développe durablement dans le respect des écosystèmes marins.
C’est l’avenir de la mer qui se joue. Nos associations constatent positivement que l’État a su mobiliser le monde scientifique et ses services pour élaborer un état des lieux de bonne facture. Mais au-delà de cet état des lieux, l’enjeu stratégique pour l’État est double : en même temps mettre en place les conditions d’un développement de l’économie bleue et garantir un bon état écologique du milieu marin dans le cadre de la transition écologique pour la mer et le littoral. Pour Gérard Prodhomme de Bretagne-Vivante « C’est l’avenir de la mer et du littoral bretons et ligériens qui se joue là». Et le compte n’y est pas !
Nos associations constatent des insuffisances dans l’approche suivie par l’État pour la réalisation du Document Stratégique de Façade, première étape de la planification marine et littorale.
L’impact des activités humaines sur les écosystèmes, les espèces et les habitats présents sur le littoral ligérien et breton n’a pas été évalué. Cette analyse doit impliquer tous les acteurs de la mer. Pour Denez L’Hostis de FBNE, « elle est indispensable si on veut le maintien ou le développement d’activités existantes et surtout un développement durable de l’économie bleue s’appuyant sur les trois piliers : économique, social et environnemental».
Par ailleurs, le document ne prend pas suffisamment en compte le lien terre-mer et les enjeux des territoires littoraux dont la qualité des eaux et les pressions de l’urbanisme. 90% des pollutions marines côtières proviennent du domaine terrestre, la stratégie maritime a vocation à investir le domaine terrestre pour résoudre les problèmes de pollution en mer. Comme le précise Jean-Yves Piriou d’Eau et Rivières de Bretagne, «il manque une gouvernance et une ambition partagées entre les objectifs du Document stratégique de la façade NAMO et les objectifs du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne vis-à-vis des masses d’eau côtières qui, selon les directives européennes sur l’eau et le milieu marin, doivent atteindre le bon état écologique en 2027».
De plus, la carte présentant les objectifs stratégiques dite « carte des vocations » est essentiellement centrée sur des priorités économiques au détriment des priorités écologiques. Cela crée un biais dans la définition des objectifs stratégiques. Dans les zones côtières, les vocations prioritaires retenues sont l’aquaculture, la pêche, les industries portuaires, le transport, les activités nautiques. Les objectifs environnementaux et les objectifs socio-économiques n’ont pas été traités sur un pied d’égalité.
Enfin, la spécificité et le rôle des zones protégées ou réglementées – sites Natura 2000 en mer, réserves naturelles marines, réserves de biosphère, schémas de mise en valeur de la mer – ne sont pas pris en compte dans l’analyse des contraintes d’usages et des pressions anthropiques.
Pour Elodie Martinie-Cousty pilote du réseau Océans, Mers et littoraux de FNE, « la mer n’a pas de frontières et ce DSF ne comporte pas d’évaluation des interactions avec les mers territoriales Manche Est et Sud Aquitaine. Cette vision en silo au regard des enjeux climatiques et de la remontée des espèces halieutiques vers le Nord doit pourtant être regardée avec une vision stratégique, tout comme la distribution des pollutions et les effets cumulés des pressions inter sous-régions marines. L’avis des associations de protection de la nature est défavorable.
Les associations de protection de la nature ont participé à la concertation et ont fait des propositions dont certaines ont été retenues. Armelle Jung de l’association des requins et des hommes souligne « Nous sommes tous concernés : c’est l’ensemble de la société civile qui connaîtra dans sa vie quotidienne les conséquences des choix stratégiques qui vont être faits : qualité des eaux côtières, emplois, lutte contre l’érosion du littoral, préservation des ressources marines».
Les associations s’inquiètent fortement que le Document Stratégique de Façade NAMO ne garantisse pas l’atteinte du bon état écologique de la mer. Elles jugent l’ambition stratégique trop timide et constatent que la stratégie de la façade ne permettra pas de respecter la Directive européenne sur le Milieu Marin.
En l’état actuel, les associations membres de FNE expriment donc un avis défavorable sur le document stratégique de façade NAMO mais restent ouvertes au dialogue pour tenter d’atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale mer et littoral.
* : Bretagne-Vivante, Eau et Rivières de Bretagne, Fédération Bretagne Nature Environnement, FNE Pays de Loire, Des Requins et Des Hommes, toutes membres de France Nature Environnement.
Contacts presse :
– Gérard Prodhomme – Bretagne-Vivante – 06 40 23 77 84
– Jean-Yves Piriou – Eau et Rivières de Bretagne – 06 50 53 86 54
– Denez L’Hostis – Fédération Bretagne Nature Environnement – 06 22 01 36 32
– Jean-Christophe Gavallet – FNE Pays de la Loire – 06 88 14 57 98
– Elodie Martinie Cousty – FNE – 06 08 07 14 16
– Armelle Jung**– Des Requins et des Hommes- 06 14 38 60 01
**Pour information sur les Planifications Marines Spatiales, suivre le lien : http://desrequinsetdeshommes.org/wordpress/wp-admin/post.php?post=2537&action=edit